Pour entendre, il faut avoir des oreilles
août 19th, 2009 by bruno boutotHier soir il y a eu un incendie pas loin de chez moi.
Je suis allé voir, j’ai pris quelques photos avec mon appareil de poche, je ne suis pas resté très longtemps.
En rentrant je me suis dit que j’allais tenter l’expérience contemporaine dont on parle partout: la participation des témoins ordinaires à la diffusion de la nouvelle. #
(Quand je dis « partout », je fais bien attention à ne pas penser seulement aux blogs ou fil Twitter des professionnels des nouveaux médias avec qui je suis en contact tous les jours; non, je parle des grands médias populaires, des télévisions, des quotidiens, qui ont tous parlé du phénomène, que ce soit lors des élections en Iran, du coup d’état au Honduras ou, plus récemment, de la collision aérienne au dessus de l’Hudson à New-York. Tous ont parlé des citoyens-témoins.) #
Donc, l’expérience « Boutot témoin d’une nouvelle ». #
J’ouvre mes 16 photos sur mon ordi. J’en garde 5 acceptables et les mets dans une galerie que j’appelle « news » sur flickr. Telles quelles, sans amélioration : je me dis que la vitesse compte et je décide de laisser accès au format original; si un média veut les utiliser, quelqu’un fera les améliorations minimales (lumière, contraste, etc.). #
Puis je vais l’annoncer sur Twitter. Il est environ 21h. #
Là, je me rends compte que j’ai été devancé de 11mn par Philippe Martin, qui a posté une photo. #
Ma blonde me demande: « Les as-tu envoyées à des médias? »
Non, j’attends de voir l’effet Twitter.
Au bout de 20 à 30 minutes, @endirectdesiles en parle, puis @Panthere_rousse. #
Puis plus rien. Je vais voir sur les médias en ligne:
cyberpresse, canoe, LCN, TVA, Radio-Canada, RDI, journal de montréal. #
Première ÉNORME surprise: de ces 7 grands médias d’information (4 télévisions, 2 quotidiens, 1 site de nouvelles), 6 n’ont aucun endroit sur la page d’acceuil demandant aux lecteurs de leur soumettre des informations. 6 sur 7! En 2009! Alors que tous ces gens publient des articles et des reportages sur la participation du public, sur l’avenir des médias, sur les blogs, le « journalisme citoyen », alouette! #
Va-t-on féliciter le 7e? cyberpresse a, en bas à droite, un espace intitulé: #
ContribuezHa! Euréka! Je clique et j’arrive sur une page de soumission d’information: #
Vous avez assisté à un événement d’intérêt public
Envoyez-nous vos textes, photos ou vidéos #
Avant de soumettre mes photos, je vais quand même consulter les « conditions d’utilisation ». Les trois quart consistent à protéger cyberpresse: genre, ce sont bien mes photos, vous n’êtes responsable de rien et je ne vous poursuivrai pas. Pas d’objection. Quand soudain je tombe sur mes droits: #
Propriété IntellectuelleVous voulez savoir ce que j’en pense, en deux mots, en tant qu’éventuel fournisseur de nouvelles?
Lorsque vous soumettez Votre contenu à Cyberpresse, vous concédez à Cyberpresse une licence mondiale illimitée, irrévocable, non exclusive, perpétuelle et à titre gratuit : i) d’utilisation, de reproduction, de stockage, d’adaptation, de traduction, de modification, de création d’œuvres dérivés, de transmission, de distribution, d’exécution publique ou de mise à la disposition du public de Votre contenu à quelque fin; et ii) de concession en sous licence à des tiers du droit illimité d’exercer l’un ou l’autre des droits précités. Outre la concession de la licence susmentionnée, par les présentes, vous i) convenez de renoncer à l’ensemble des droits moraux dans Votre contenu en faveur de Cyberpresse; #
No. Way. #
Je me suis couché vers 23h30, tirant des leçons de l’expérience. #
Morale de l’histoire numéro 1:
Si vous voulez que les habitants de votre marché vous soumettent des nouvelles, commencez par avoir sur votre page d’acceuil, en haut, un espace bien visible pour accueillir les nouvelles de vos lecteurs.
Si vous n’avez pas d’oreille, vous ne risquez pas d’entendre grand chose.
Si, sur votre site d’information, vous n’invitez pas vos lecteurs de façon très visible et explicite à vous soumettre des nouvelles, vous n’allez pas en recevoir. #
Morale de l’histoire numéro 2:
Si vous voulez que vos lecteurs vous soumettent des informations, donnez leur un incitatif. Si par hasard n’importe lequel d’entre nous rencontre un journaliste, on ne se fait pas d’abord sermoner par un avocat. Pourquoi serait-ce différent sur le Web? Pourquoi je me fais dire seulement que le média veut se protéger de moi et que je renonce à tous mes droits? Où est l’incitation, l’encouragement, les remerciements, la garantie d’avoir le crédit, les récompenses symboliques (comme un titre, genre « lecteur source » ou n’importe quoi de joli qui montre une certaine reconnaissance) et, pourquoi pas, l’engagement de verser à la source tout ou partie des droits de réutilisation? #
Tout cela n’est pas de la magie des « nouveaux médias ». C’est du bon sens, de la relation ordinaire, quotidienne avec le client. Toutes ces entreprises de presse sont dirigées par des gens brillants, ont des responsables du contenu brillants, ont des responsables du marketing brillants, ont des brillants journalistes et de brillants vendeurs et ont sûrement de brillants conseillers Internet, n’est-ce pas? #
Je connais beaucoup des artisans de nos médias, tant côté contenu que côté marketing. Il est absolument impossible que vous traitiez vos clients comme ça! Vous ne le faites jamais dans la vraie vie! #
Et vous le faites sur le Web? #
Mise à jour: je trouve dans mon courriel ce matin un message « urgent » de Mathieu Turbide, du journal de montréal, qui me demande si je veux lui vendre mes photos.
Première réaction: Ha! Enfin! Twitter a marché!
Mais le courriel date de hier soir. Trop tard! #
Que s’est-il passé?
Je suis informé par @marioasselin que @mdumais a donné mon nom lorsque @MechantBlogue a fait une demande de photos de l’incendie sur Twitter. Michel Dumais lui a répondu: #
@MechantBlogue essaie ici, chez Bruno boutot http://www.flickr.com/photos/brub/sets/72157621955146913/ #MechantBlogue, qui est Mathieu Turbide, est donc allé voir mes photos sur flickr … et m’a envoyé un courriel par l’intermédiaire de flickr à 22h40. Mais, à cause des mystères de l’Internet, le message n’est arrivé dans ma boite de couriel Vidéotron qu’à 12h10… Argh!!! #
De toutes façons, félicitations à Mathieu Turbide d’avoir eu le réflexe de faire appel aux témoins de l’événement. Excellente façon de faire du journalisme contemporain. Finalement, comme me l’a rapporté Mario Asselin, Mathieu Turbide a fini par trouver de très belles photos de daidix, également sur flickr.
Mise à jour: Michel Dumais raconte l’événement. #
août 19th, 2009 at 18:16
Ayant soulevé la dimension relations du travail de cet épisode sur mon blogue, je me permets de soulever ici un autre aspect (comme je vous le disais sur twitter), celui des photographes professionnels versus les photographes amateurs. Je n’ai pas d’idées arrêtées sur le sujet, mais je ne les entends pas beaucoup par rapport à ce qui est déjà ailleurs (États-Unis, France) une pratique courante. Je sais de par mon expérience professionnelle passée qu’il y a une grille tarifaire proposée par leur association (dont j’oublie le nom). Je sais aussi par ailleurs qu’il n’y a pas vraiment d’esprit de corps dans cette profession. Dommage que l’on ait pas leur point de vue. Vus aurez remarqué par ailleurs que monsieur Turbide proposait de payer (proposition risquée de sa part dans le contexte légal du conflit). Sur quelle base? Est-ce que les photographes amateurs vont être pour les photographes professionnels l’équivalent des Chinois pour les salariés du secteur manufacturier ou les Indiens en ce qui concerne de plus en plus de services, c’est-à-dire un levier pour faire baisser les prix? Peut-être que j’ai tort, mais il me semble que nous allons vers une drôle de société. D’un côté de belles opportunités pour l’information, de l’autre des menaces pour la qualité de celle-ci.
août 19th, 2009 at 20:56
Merci monsieur Monette de votre contribution.
Dans votre blog, vous présentez très bien vos objectifs: donner votre opinion sur les sujets qui vous intéressent. Et vous le faites fort bien: j’apprécie d’être lecteur de votre fil Twitter.
Web médias, par contre, est un espace extrêmement spécialisé: c’est un outil professionnel pour aider les médias et les entreprises à utiliser le plein potentiel du Web pour leur contenu et leurs revenus.
Ça me fera plaisir d’échanger avec vous sur vos réflexions dans un lieu plus vaste. Ici, je vais répondre seulement au sujet qui touche le sujet de ce blog: vos inquiétudes sur la qualité des médias.
Les médias qui vont survivre et prospérer sur le Web ne ressembleront guère à leurs prédécesseurs, parce que le Web est un medium différent, qui a des propriétés différentes. Pour l’instant, beaucoup de médias y transposent surtout leur médias d’origine; comme la télévision, au départ, faisait surtout de la radio avec des images. Mais les médias évoluent pour utiliser au mieux les avantages spécifiques du Web.
Une de ces caractéristiques est la nouvelle proximité entre les médias et leurs lecteurs. Cette proximité permet une plus grande contribution des lecteurs au contenu (et aux revenus – j’y reviendrai). Comme le montre le succès de nombreuses communautés en ligne, la participation du public peut faire des merveilles pour enrichir le média, les participants et les lecteurs.
Je ne pense pas que la qualité des médias d’information va diminuer en y incluant les contributions pertinentes des lecteurs. Au contraire. Le Web nous donne des médias plus complets, plus riches, plus variés, avec une immense mémoire. Les médias traditionnels sont (étaient) nos références communes. Les médias sur le Web sont (deviennent) nos espaces collectifs. Le sujet de mon article porte sur cette transition: les médias qui s’enrichissent avec leurs lecteurs sur le Web ouvrent leurs portes et structurent cet accueil.
août 20th, 2009 at 16:29
Justement ça tombe bien, dans mon dernier billet je parle d’une entente entre des médias croporatifs et des médias citoyens pour leur bénéfice mutuel. C’est un modèle qu’il sera fort intéressant de suivre. Quant à l’aspect que je soulevais, il s’agit d’une réalité avec laquelle ces hommes et femmes d’affaires que sont plusieurs photographes (j’en ai repéré un certain nombre qui bloguent à Québec que j’ai ajouté dans le site http://lacapitaleblogue.com) devront faire face. Sans revenir sur l’asepct que je soulevais, je voudrais tout de même ajouter une hypothèse: leur présence dans les médias sociaux à l’affût de ce qu’il s’y passe pourrait leur permettre de battre cette nouvelle concurrence que constituent les photographes amateurs tout en faisant valoir le fait que le coût plus élevé de leur produit vaut amplement la chandelle. En tout cas ce que je vois sur des blogues de photographes montre à quel point il n’y a aucune commune mesure -sauf exception évidemment – entre ce que vous et moi pouvons faire comme photographes amateurs et le genre de photographies qu’ils peuvent livrer.
août 31st, 2009 at 12:27
[…] À PROPOS « Pour entendre, il faut avoir des oreilles […]
septembre 2nd, 2009 at 13:35
http://lcn.canoe.ca/montopo/
Si on écoute LCN, on sait où envoyer vidéos et photos. Plusieurs Internautes y envoient couramment énormément de photos, vidéos et messages.
À TVA ça fait plus d’un an qu’ils travaillent dans ce sens, et à mon avis ça paraît.
septembre 2nd, 2009 at 16:44
Excellent.
Je savais qu’il y avait quelque chose à LCN mais j’en avais oublié le nom: je n’ai pas eu la patience de regarder la chaîne et, de toute évidence, je n’ai pas vu le bouton « monTopo » sur la page. Désolé!
Merci de m’y diriger.
Ceci dit, je trouve la Cession de droits pas plus intéressante que celle de cyberpresse. En tant qu’usager, je veux rester propriétaire des droits sur mon contenu.
Je veux bien attribuer une license de diffusion, comme je le fais chez metafilter, flickr, worth1000, boingboing, etc. (tous ces liens sont dans la colonne de droite). Dans tous les cas (sauf erreur), je garde les droits sur mon contenu. Voir aussi le bouton Creative Commons au bas de la colonne de droite.
Je vois parfois des images de monTopo sur la chaîne LCN et je suis tout à fait d’accord avec vous que c’est une très belle initiative.
Il y aurait deux façons simples qui m’inciteraient à participer davantage:
– comme je le disais: de garder mes droits;
– aussi la possibilité de voir en ligne les documents que je soumettrais, ceux qui ont été diffusés dans le passé, et l’identité des gens qui les ont fournis, (dans les cas où ils cochent « oui » en postant leur document) etc.
LCN, cyberpresse et tout autre média en ligne ont là une belle façon de s’attacher ma fréquentation : souligner et identifier ma participation; me donner une page personelle; y trouver un accès à toutes mes participations passées; voir celle des autres et leur auteurs; pouvoir échanger avec les autres autour de leur particpation, ou des miennes; y voir les noms, les opinions et les raisons des choix des gens du media qui décident ce qui est, ou non, une nouvelle digne de figurer dans la galerie.
Toute occasion d’engager nos lecteurs dans une conversation est bonne à saisir.
Quand un lecteur a envie de participer, arrangeons nous pour qu’il se sente bien accueilli chez nous.
Sur ce point, M ou Mme Gen, merci, si c’est posssible, de vous identifier. Je préférerai accueillir ici des gens qui échangent sous leur réelle identité. Ne l’ayant pas spécifié plus tôt, je publie votre commentaire. Et je vais mentionner cette préférence dans la présentation de ce site: en général, l’identité réelle est l’identité par défaut; l’anonymat, l’exception: s’il y a une bonne raison. Merci. :-)