Blogueur-reporter: les clefs du royaume
décembre 6th, 2008 by bruno boutotMon article sur les errances des journalistes et blogueurs à propos de déontologie n’était pas fini: je me suis engagé à expliquer les mécanismes des invitations aux conférences de presse. #
Avant d’y arriver, tant que je vous tiens en haleine ;-) , j’en profite d’abord pour dissiper un malentendu. Mon texte a été repris dans d’excellents blogs, où j’ai déjà fait une mise au point : #
Juste pour préciser le contexte: je suis moi-même journaliste et je pense qu’être journaliste salarié n’est pas un défaut. :-) Ce n’est pas un défaut non plus d’être conscient de la tempête du Web qui s’abat sur l’industrie de la presse. Ce n’est pas un défaut d’avoir des craintes sur le futur de la profession: c’est une tempête. Je pense seulement que l’exclusion, ce réflexe de protection des acquis, n’est pas un remède approprié pour sortir de la tempête. Je crois que les regroupements, les interconnections, les intérêts communs sont plus efficaces dans ce cas-ci que l’isolement. :-) #Revenons aux conférences de presse, en me référant en particulier aux commentaires très pertinents, dans mon article précité, de messieurs André Chartrand et Michel Monette. #
1 – L’éthique n’est pas propre aux journalistes. On va tous mettre en garde nos amis contre un mécanicien qui a remplacé une pièce d’auto pour 600$ quand il aurait suffi de rebrancher un fil à 5$; on va tous dénoncer un fonctionnaire qui confond une fonction de service avec un exercice de pouvoir; on ne va pas revenir chez un dentiste qui transforme une carie à 100$ en un chantier à 1200$. #
L’éthique, la déontologie, ce n’est pas une panacée: c’est le minimum de décence, d’honnêteté et de compétence que l’on attend de tout professionnel. Donc, que les journalistes ou des blogueurs fassent appel à l’éthique, non seulement je le comprends, mais j’espère que c’est entendu avant même de commencer. Ce n’est pas un objectif divin, c’est un prérequis. On n’en parle même pas. Si vous n’en avez pas, je ne veux même pas avoir à faire à vous et encore moins vous lire. #
2 – Les journalistes ne sont pas des curés. Ils ne sont pas au service d’une noble cause, fut-elle baptisée de noms ronflants comme « le droit du public à l’information » ou « le quatrième pouvoir de la démocratie ». En tous cas pas plus qu’un plombier n’est au service de la salubrité publique. Ces (très belles) choses sont d’heureuses conséquences, pas des conditions initiales. Les journaliste sont des artisans. La transmission de l’information n’est pas un sacerdoce, c’est une job de bras: sources, entrevues, tournage, recherche, écriture: tu pioches, tu produis. Si t’as le temps tu polis, tu cisèles. And that’s it. #
3 – Le titre de « journaliste » n’est pas une passe magique qui permet d’avoir accès aux conférences de presse. Dans la plupart des cas, il ne suffit pas d’être journaliste pour entrer: il faut être invité. Les gens qui font des conférences de presse ont un message à transmettre. Ils n’invitent pas des gens qui ont « de l’éthique » mais des gens qui vont « transmettre leur message à leur public ». Les journalistes qui sont invités sont ceux dont le média a la possibilité de transmettre le message au bon public. #
4- Les journalistes ont le privilège d’être invités parce qu’ils sont associés à un média dont on connait la diffusion. Les chiffres sont disponibles: ABC, PMB, BBM, Nielsen et d’autres. Tel média rejoint tant de personnes de tel âge à tel âge avec tel ou tel profil de revenu familial et de consommation. Si ton média rejoint des gens qui correspondent au profil recherché par les organisateurs d’une conférence de presse, tu vas recevoir une invitation. Sinon, non. #
Les clefs du royaume #
5 – Le premier travail de toute personne qui veut être invitée à une conférence de presse est de se présenter aux organisateurs, le plus longtemps possible à l’avance. Plus on te connait, plus on sait que tu rejoins des gens qui correspondent au bon profil, plus tu vas recevoir d’invitations. #
6 – Le deuxième travail, en se présentant, est de fournir de la documentation: depuis combien de temps vous existez, qui d’autre parle de vous, quel public vous rejoignez. Là, les dits « blogueurs » ont une avance sur les médias traditionnels qui ne peuvent fournir que des statistiques. Tout site Web peut présenter des vrais chiffres de fréquentation: par mois, par semaine, par jour, par heure, par provenance, etc. Même ici, dans la colonne de droite: pas pour vous afficher mes milliers de lecteurs (que je n’ai pas), mais pour montrer la merveille de la mesure réelle instantanée.
Et, comme le signale Michel Monette dans son commentaire, il peut être opportun de souligner l’avantage qu’offre la transmission instantanée sur le Web. #
7 – C’est tout. Ça suffit. C’est fini. Vous avez les clefs: un historique, des références, des chiffres, et de la politesse. Encore une fois, si vous rejoignez un public que veulent rejoindre les organisateurs de conférences de presse (y compris politiques) vous allez être invités partout. Pas de secret, pas de mystères, pas d’organisme qui vous donne une bénédiction magique. C’est simple: c’est de la mécanique de communications. #
Je ne pense pas que des gens comme Mario Asselin, Michelle Blanc, Philippe Martin et tant d’autres, même s’ils et elles écrivent dans des blogs, aient la moindre difficulté à se faire inviter à des conférences de presse: ils ont un historique, des références, des chiffres de fréquentation (et de multiplication si on peut montrer qu’on est lu et repris par des sites et des médias). #
Tout ça est une tempête dans un verre d’eau. #
Pardon? Si vous n’avez pas d’historique, pas de références, pas de chiffres mais que le sujet vous intéresse de tout votre coeur? Too bad. Vous n’avez rien à faire là. Les conférences de presse sont un outil de transmission d’information, pas un club social. C’est du travail. #
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