Définition: Communauté sur le Web

octobre 29th, 2009 by bruno boutot

1 – des membres font quelque chose ensemble, avec au moins un lieu principal d’activités communes;
2 – un « membre » est une personne inscrite dont l’identité est stable et dont toutes les contributions au site sont mémorisées et facilement accessibles à tous;
3 – Il y a un « guide de participation » clair et un système de « signal aux modérateurs » (flag). #

1 – des membres font quelque chose ensemble, avec au moins un lieu principal d’activités communes

  • « faire quelque chose ensemble »: une communauté se définit par des actions que les membres font ensemble. « Consommer quelque chose ensemble » ne fait pas une communauté. « Lire le même journal » ne fait pas une communauté. « Regarder le même film » ne fait pas une communauté. « Fréquenter le même site » ne fait pas une communauté.
  • Toutes ces actions sont indispensables à l’existence d’une communauté dans la mesure où elles en sont la base: elles créent un langage commun. On peut faire partie, par exemple, d’une communauté qui échange sur le cinéma; voir les films établit le langage commun. Mais la communauté commence seulement quand on fait quelque chose ensemble avec ces films: on vote, on critique, on en parle, on crée des parodies, etc.
  • « au moins un lieu principal d’activités communes »: les gens qui sont sur le même site mais qui sont chacun dans leur coin ne forment pas une communauté; une communauté se crée dans l’interaction entre les membres sur des sujets communs. Tout site qui héberge une communauté offre au moins un lieu collectif (forum ou blog collectif) où tout le monde peut échanger, intervenir et agir d’une façon concertée sur un sujet commun selon des règles collectives.

2 – un « membre » est une personne inscrite dont l’identité est stable et dont toutes les contributions au site sont mémorisées et facilement accessibles à tous

  • « membre »
    • les médias traditionnels ont chacun un nom pour leurs clients: lecteur, auditeur, téléspectateur;
    • les médias traditionnels transportés sur le Web peuvent tous utiliser texte, audio et vidéo, ce qui a donné naissance à un nouveau qualificatif pour les clients: les utilisateurs;
    • qu’ils soient dans leur média d’origine ou sur le Web, tous les médias traditionnels sont des véhicules de marketing et de publicité, donc tous leurs clients sont aussi des consommateurs;
    • qu’ils soient lecteurs, auditeurs, téléspectateurs ou consommateurs, tous ces clients ne sont connus par les médias ou les annonceurs que sous forme de statistique; c’est normal: il s’agit de « médias de masse » et la masse ne peut être connue que par sondages;
    • dans une communauté sur le Web, un membre n’est pas une statistique mais une personne connue.
  • une personne inscrite dont l’identité est stable
    • « une personne inscrite » signifie que l’identité de cette personne est minimalement garantie par le site; le site a au moins vérifié l’adresse email de chaque membre; le site intervient s’il y a tromperie sur l’identité;
    • « identité stable » veut dire que toutes les actions de cette personne dans le site vont être attachées à cette identité, pas nécessairement qu’il s’agit de son vrai nom; beaucoup de communautés permettent à leurs membres d’utiliser un pseudonyme, mais à deux conditions: d’abord le vrai nom, même s’il demeure caché, est connu par l’administration du site; ensuite l’identité est stable et unique: dans la plupart des communautés, la création de deux identités est un motif d’expulsion.
  • une personne dont toutes les contributions au site sont mémorisées et facilement accessibles à tous
    • dans une communauté tout membre a sa page personnelle
    • dans cette page personnelle, toutes les contributions de chaque membre sont enregistrées
    • toutes ces contributions enregistrées sont facilement accessibles par tous: mettre à la suite tous les commentaires de quelqu’un ne sert pas à grand chose; il faut au minimum séparer les contributions par type (article, commentaire, photo, vidéo, vote, etc.), si possible par sujet (exemple: sport, cinéma, politique, vins) et de plus en plus par mots clefs (tags).
    • la mémoire de ses contributions fait d’un membre une personne; l’accessibilité facilite l’échange entre les membres et permet la constitution de réputations.

3 – Il y a un « guide de participation » clair et un système de « signal aux modérateurs » (flag)

  • un « guide de participation »
    • Quel est la raison d’être de cette communauté? Que fait-on, s’il y a lieu, dans les différentes parties du site? De quoi y parle-t-on? Dans quel style? Sur quel ton? Quel médias peut-on employer? Sous quelle forme?
    • Toutes ces questions qui sont évidentes quand on pénètre dans un lieu dans la vraie vie sont totalement mystérieuses dans un site. Et cela n’a strictement rien à voir avec la cascade d’interdictions et de menaces dont nous assomment tant de sites lorsqu’ils nous « accueillent ».
    • Il s’agit simplement de l’établissement du cadre, du sujet, des modes de participation: c’est justement à cause de tout cela que tous les membres participent.
    • Plus le guide est explicite et clair, plus il est facile pour les membres de veiller eux-mêmes au respect du lieu, du sujet et des modes de participation.
    • C’est pour cela qu’une communauté s’appelle une communauté: parce que les membres en sont partie prenante, qu’ils contribuent à son bien-être et à son développement. La communauté est une extension d’eux-mêmes, ils en font partie et en sont tous responsables.
  • un système de « signal aux modérateurs » (flag)
    • Toute particpation dans une communauté est accompagnée, entre autres, d’un « signal aux modérateurs »: tout article, tout commentaire, toute photo, toute vidéo, etc.
    • Ce « signal aux modérateurs » est  l’outil fondamental de la modération des communautés: il met la vigilance de première ligne entre les mains des membres. Aucune communauté n’est gérable sans cela: par définition, les responsables de la communauté ne peuvent pas lire et trier toutes les participations. S’il y en a qui essayent de le faire, c’est parce qu’ils croient être dans un média traditionnel (où la direction contrôle toute le contenu). Dans une communauté, les membres de la communauté sont responsables de la communauté.
    • Un signal aux modérateurs n’est pas « signaler un abus ». Ou si peu. Il y a parfois des abus dans les espaces où les gens sont anonymes, mais beaucoup moins dans les communautés où tout le monde a une identité stable. Les abus ne sont qu’une petite partie des raisons pour lesquelles on appelle un modérateur: il peut s’agir d’aider quelqu’un, d’éclaircir un point, d’arranger une erreur, d’expliquer un fonctionnement ou une règle.
    • La modération est un service à la communauté auquel les membres participent, pas un service d’ordre qui se situe au-dessus des membres. Dans les communautés, les modérateurs émergent parmi les membres qui excellent à aider les autres.
Si l’on veut bien travailler sur les communautés, il faut s’entendre sur les termes.
Un réseau social est, comme son nom l’indique, une suite de liens entre des personnes, mais ces personnes ne font pas forcément des choses ensemble.
Il peut y avoir des communautés à l’intérieur de réseaux sociaux. Par exemple, des gens peuvent se regrouper et faire quelque chose ensemble avec facebook, YouTube ou flickr, mais aucun de ces sites en tant que tel ne constitue une communauté. flickr est né d’une communauté, et plusieurs communautés existent sur flickr. Mais flickr, comme YouTube et facebook sont aujourd’hui des plateformes. Elles offrent des fonctionnalités dont chacun se sert à sa guise. #

[Mise à jour le 2 novembre 09:
Quand deux personnes créent un site autour d’un sujet et en invitent d’autres à participer, c’est le départ d’une communauté sur le Web. À partir de là, toutes les règles établies par les hôtes et adoptées par la communauté peuvent exister. Ceci dit, les trois conditions de ma définition des « Communautés sur le Web » concernent très précisément le sujet de ce blog: les entreprises de médias et de marketing qui veulent héberger une communauté. #

Certes, ces conditions ne sont pas indispensables au départ: par exemple, on n’a pas besoin de « signal aux modérateurs » avec 100 membres; mais avec 1000, oui. Ces trois conditions sont donc celles que doivent prévoir les médias qui veulent récolter les bénéfices d’une communauté: participation, fidélisation, revenus. Activités communes, membres mémorisés et outils de modération sont des conditions essentielles du succès.] #

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5 Responses to “Définition: Communauté sur le Web”

  1. Anthere Says:

    Bonjour,

    Très agréable résumé avec lequel je suis largement d’accord.
    A un bémol près, qui a trait à cette notion d’identité stable.
    « d’abord le vrai nom, même s’il demeure caché, est connu par l’administration du site; ensuite l’identité est stable et unique: dans la plupart des communautés, la création de deux identités est un motif d’expulsion. »

    Je fais partie de plusieurs communautés, Wikipedia bien sûr, mais aussi plusieurs communautés de jeux en ligne. Que cela soit sur WP ou dans plusieurs communautés de jeux, il n’y a aucun impératif de connaissance du VraiNom, même pas un administrateur/modérateur. A vrai dire, l’entrée d’une adresse email n’est parfois même pas obligatoire…

    La vérification d’une identité est une démarche longue et fastidieuse (et coûteuse) et il est monnaie courante de fournir une fausse identité (style John Doe), pour donner l’apparence d’une véritable identité (personne n’est dupe à part les noobs). Utiliser l’adresse email pour identifier des personnes uniques n’a aucun sens (on peut ouvrir autant de comptes email que souhaité). Utiliser l’adresse IP pour identifier des personnes uniques n’est qu’un pis aller. Une adresse IP peut être partagée par des foyers différents (connectez vous à un jeu en ligne depuis votre iphone avec la 3G pour voir ce que je veux dire…). Enfin, en particulier pour les jeux en ligne, il est fréquent que plusieurs membres de la même famille jouent au même jeu… et partagent la même IP bien sûr.
    En bref, la vérification est complètement symbolique et surtout contournable.

    Dans beaucoup de commmunautés, le double compte n’est pas terriblement bien vu, mais est toléré car il peut avoir des justifications. Par exemple, sur WP, il est autorisé d’avoir une face « publique » et une face « privée ». La face privée permet de faire des modifications sur des sujets auquel il serait embarassant d’être associé en public (par exemple, si on est une personnalité connue, participer aux articles politiques; ou ajouter des informations vaguement confidentielles). En revanche, ce qui est très mal perçu est de tenter de manipuler les gens grâce à l’usage des deux identités (vote double, soutient mutuel lors d’un conflit etc).
    On observe le même genre de situation dans les communautés de jeu en ligne. Le double compte n’est pas passible d’exclusion, en revanche, il est interdit aux comptes d’avoir des interactions – type échange de ressources, soutient d’armées).

    J’ajoute que sur les communautés de jeu, il est très fréquent que plusieurs joueurs partagent le même compte… tout simplement parce que l’univers du jeu évolue… qu’ils soient présents ou non. Cette situation peut vite créer des états de stress pour les joueurs, qui deviennent trop accros. Seule solution, être plusieurs sur le même compte. Cela est souvent jugé acceptable à condition que les membres ne tentent pas de se faire passer pour un autre au sein de leur micro-groupe. Enfin, cette possibilité d’identité instable ajoute en fait un certain piment au jeu… apprécié par beaucoup de communautés. Une liberté que l’on ne trouve justement dans le monde réel. Dans la mesure du possible, je crois qu’il faut laisser à la communauté le soin de décider de ce qui est le mieux, et surtout, de ne pas hésiter à laisser évoluer les règles au gré de la situation et des besoins.

    Bref. Je ne dis pas qu’il ne *faut jamais* exiger une identité stable bien sûr. Mais j’hésiterais beaucoup à conseiller à une personne d’implémenter obligatoirement dans sa structure communautaire un système de vérification d’identité », et de donner comme règle impérative aux joueurs (et donc aux modérateurs) d’avoir une identité stable. Dans certains cas, cela conviendra (par exemple communauté professionnelle), dans d’autres cas, cela aura plutôt un effet négatif sur le développement de cet esprit communautaire.

  2. brunoboutot Says:

    Merci Florence: vous avez absolument raison sur tous les points et vous me faites réaliser que je dois ajouter des élaircissements sous forme de mise à jour dans mon article.

    L’argument essentiel que vous soulevez, et avec lequel je suis tout à fait d’accord, c’est que chaque communauté décide de ses propres besoins, y compris en matière d’identité. Si une façon de faire se révèle être plus pratique pour la communauté et pour les membres, cette façon est légitime et n’a pas à s’accorder avec quelque principe général que ce soit. C’est pour ça que les communautés sont distinctes: parce que chacune a ses intérêts et sa culture propres.

    Ceci dit, je dois préciser (ce que je vais faire dans la mise à jour) que je parle d’un type particulier de communauté. Cela n’apparaît guère dans mon titre, j’en conviens: Définition: Communauté sur le Web semble avoir des ambitions universelles. Mais ce titre apparaît quand même dans ce blog qui porte sur « médias, marketing et communautés » sur le Web.

    Dans ce cadre, je parle donc de communautés publiques faisant partie de sites publics, dans lesquels je m’attends à ce que l’identité soit une confluence. Vous avez raison, on peut décider à volonté du degré de souplesse d’une identité basée sur une déclaration. Mais quand une identité se recoupe publiquement sur un blog, sur Twitter, facebook, flickr, delicious et d’autres, la stabilité de l’identité (y compris sous un pseudo) émerge sans que l’on ait besoin de vérifier quoi que ce soit.

    Vous soulignez à juste titre que l’identité flottante peut-être un atout dans beaucoup de cas. Pour un média je crois qu’on doit d’abord accueillir tout le monde, puis offrir une voie royale de l’anonymat jusqu’à l’identité réelle. Dans un lieu public, l’identité réelle est la clef universelle pour générer la confiance. Et, bien sûr, le commerce, puisque le marketing est aussi au coeur des médias – et de ce blog. Mais ceci est une autre histoire que je développe en ce moment sur media machina.

    Merci donc Florence de votre contribution. J’ai visité votre site et je suis très intéressé par votre expérience, en particulier avec Wikimédia. J’espère que nous aurons l’occasion d’échanger prochainement.

  3. Edith Says:

    Merci pour cette éclairante définition.

  4. brunoboutot Says:

    @ Edith:
    :-)

  5. 4 avantages qu’une communauté Web peut apporter à votre entreprise | Niviti Says:

    […] en stratégies médias sur le Web, les communautés participatives et les marchés transactionnels ( ici et ici […]

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