Bouhou! Les gens sont méchants dans les commentaires.
janvier 3rd, 2010 by bruno boutotLe problème avec les médias de masse, c’est qu’ils croient toujours s’adresser à la masse.
Les journalistes écrivent donc à la masse et quand leur média arrive sur le Web et s’ouvre aux commentaires, ce sont bien entendu les commentaires de la masse. #
Et la masse, ma bonne dame, elle est pas gentille, dit Louise Leduc en trois articles dans cyberpresse.ca: Blogues: pourquoi tant de haine?, L’arroseur arrosé et Un exutoire virulent. #
Les gens sont méchants, nous dit-elle. Ils sont méchants avec les blogueurs, avec les journalistes et peut-être encore plus avec les femmes. Bouhou! (Si elle avait bien cherché, elle aurait aussi trouvé qu’ils sont méchants avec les enfants, avec les noirs, avec les handicapés, avec les pauvres, avec les riches, avec les clowns qui vont dans l’espace.) #
Mais qui sont ces monstres? Ha! On ne sait pas! #
Madame Leduc nomme des blogueurs et des journalistes, tous et toutes des victimes éplorées, mais pas un des accusés n’est nommé. Pourquoi? Parce qu’ils sont la masse, sans doute. #
Martin Lessard y voit avec humour la raison pour laquelle les journalistes ont en horreur la conversation Web 2.0. Sachant bien que les journalistes « en général » ne font pas de conversation dans le Web 2.0: ils s’adressent à la masse. Tu parles d’une conversation: ils craignent les coups de masse en retour. :-) #
Une distinction d’abord: dans son réquisitoire, madame Leduc mélange les courriels reçus par des journalistes et les commentaires publiés dans les blogues et les sites de journaux. Si une personne travaille dans un média de masse et se choque de recevoir du courrier anonyme imbécile, cette personne ferait mieux de changer de métier. It goes with the territory. C’est stupide, mais ça reste dans le domaine privé. Les commentaires sur le Web sont une toute autre histoire: ce sont des commentaires publiés dans un média dirigé par un éditeur, que ce soit un blogueur autonome ou la rédactrice en chef d’un grand média. #
Tout cela est tellement 2007, ici même: Les commentaires dans les blogues de médias. J’y écrivais alors à Richard Hétu et Richard Martineau que « si vos commentateurs disent souvent n’importe quoi, c’est peut-être parce qu’ils sont traités comme n’importe qui. » On avance, on avance, mais pas vite. #
Le problème majeur soulevé par Louise Leduc est celui de l’identité du lecteur et de son rôle dans les médias sur le Web. #
L’identité, nous l’avons vu, le lecteur du média de masse n’en a pas. Mais sur le Web l’identité du lecteur est entre les mains de l’éditeur: c’est l’éditeur qui décide s’il autorise les commentaires anonymes, en quelles circonstances, et lesquels publier. #
Plus encore, c’est l’éditeur qui décide du rôle du lecteur dans son média: s’il veut des commentaires anonymes et imbéciles, il aura des commentaires anonymes et imbéciles. S’il veut des commentaires enrichissant, qui contribuent au contenu du média, il aura sans doute installé un système où les lecteurs qui veulent participer sont identifiés, reconnus, encouragés et récompensés pour leurs contributions. #
Le pire, dans cette histoire, ce sont les gens, éditeurs ou blogueurs qui se plaignent des commentaires publiés dans leur média. Allo!?! Un commentaire pourri peut arriver, mais si on te le signale et que tu le laisses en sachant qu’il est contraire à tes sensibilités, à tes règles, à ton contenu, pourquoi tu le laisses? C’est ta maison, ton salon, ton média: tout ce qui est publié et y reste après objection est ta responsabilité. Ici manque la sensibilité d’un rédacteur en chef qui assume tout ce qu’il présente aux lecteurs. Comme un patron de bar. Tous les soirs, dans les bars, on fait le ménage. On doit pouvoir le faire dans les blogues et les médias. #
La valeur des contributions anonymes peut se discuter. Mais elle doit être encadrée pour être réussie, comme dans Ask MetaFilter. #
Tout ce qui est publié dans un média et qui y demeure après avoir été signalé est de la responsabilité du média. #
Si ce n’est pas bon, enlevez-le. #
Si ça ne contribue pas à votre contenu, enlevez-le. #
Les gens participent où on les accueille et comme on les accueille.
Si vous les traitez comme des chiens, ils vont vous traiter comme des chiens. #
Si vous voulez des participants de haute qualité (dans n’importe quel domaine), créez les conditions pour qu’ils soient heureux et fiers d’être chez vous: donnez-leur une page personnelle où on retrouve leurs contributions, laissez leur la propriété de leur création, récompensez et compensez les plus appréciés, créez un sentiment d’appartenance, apprenez à vos journalistes qu’ils vont faire du meilleur travail avec des gens brillants que tout seul dans leur coin. #
Sur le Web, il n’y a plus de masse, il n’y a que des gens. #
Sortez-vous la masse de la tête. #
Les gens sont bien plus le fun. #
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janvier 4th, 2010 at 11:41
peut-être aussi que les gens profitent de l’anonymat pour dire… n’importe quoi? ou en tous cas des choses qu’il ne diraient pas «face à face» parce que leurs arguments ne seraient pas assez solides…
janvier 4th, 2010 at 11:43
Tres bon article!
Personnellement, je trouve qu’il y a un effet de masse sur le record. C’est-a-dire que les gens publient pour avoir des feedbacks et plus ils sont nombreux mieux c’est.
Si l’exemple des Skyblogs est brutal avec le « Lache un commentaire » a la fin des articles, la realite est la: la presence du formulaire a la fin de l’article, l’utilisateur est naturellement invite a contribuer. A la longue, c’est devenu une habitude.
Aux US, les magasines en ligne publient l’email de l’auteur. Je pense que c’est beaucou plus difficile de prendre l’initiative d’envoyer un mail plutot que de mettre un commentaire.
janvier 4th, 2010 at 12:07
Check out: “webmédias » Archive » Bouhou! Les gens sont méchants dans les commentaires.”( http://twitthis.com/s3ky6p )
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janvier 4th, 2010 at 12:17
“Tous les soirs,dans les bars,on fait le ménage. On doit pouvoir le faire dans les blogues et les médias” http://bit.ly/6b4xAY via @embruns
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janvier 4th, 2010 at 12:25
Bon point, Youssef, mais je ne mets pas en cause les gens qui « profitent de l’anonymat pour dire n’importe quoi ». L’anonymat est fait pour dire n’importe quoi. Je mets en cause les éditeurs (y compris les blogueurs: un blogueur est l’éditeur de son blog) qui permettent l’anonymat, puis par la suite se plaignent des résultats.
Michael, vous soulignez bien la responsabilité de l’éditeur: certains prennent effectivement le nombre de commentaires pour une mesure du succès et encouragent le n’importe quoi. Tant pis pour eux: je doute qu’il y ait encore aujourd’hui des publicitaires qui considèrent les commentaires débiles comme une mesure d’auditoire valable.
Je voudrais cependant introduire une nuance entre les débuts du Web et aujourd’hui. Aux débuts, comme dans l’exemple cité par madame Leduc avec Michel Dumais, ou dans le défunt forum pssst.qc.ca, on a expérimenté avec l’anonymat et l’absence de modération: l’enthousiasme pour la nouvelle « participation » primait. Et c’est ainsi qu’on a appris beaucoup de leçons.
Aujourd’hui, on parle de grands médias sur le Web, de blogueurs professionnels et de 15 ans d’expérience du Web. Je veux bien souligner à des débutants l’importance de la conversation, de la personnalisation, du contact direct et enrichissant avec des individus. Mais ce sont des sujets qui devraient être assimilés depuis longtemps par les professionnels dont le gagne-pain en dépend.
Aujourd’hui, on sait que la valeur n’est pas dans la foule qui crie le plus fort, mais dans la relation, dans l’attachement, dans la mémorisation, dans l’établissement de la confiance à long terme avec des membres participant. Un à un. C’est plus lent, plus long mais incroyablement plus lucratif.
janvier 4th, 2010 at 13:40
«Bouhou! Les gens sont méchants dans les commentaires» http://bit.ly/81pMGs de @boutotcom
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janvier 4th, 2010 at 20:34
Chapeau! Votre billet exprime bien la situation. Si on nourri un Troll on ne doit pas se plaindre qu’il vous mord les doigts!
janvier 5th, 2010 at 06:40
Bouhou! Les gens sont méchants dans les commentaires http://goo.gl/fb/B8ba
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janvier 5th, 2010 at 10:45
Bouhou! Les gens sont méchants dans les commentaires [del.icio.us] http://goo.gl/fb/aXGv
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janvier 5th, 2010 at 18:50
Le texte relu aujourd’hui prend un autre sens RT @PhilippeMartin Bouhou! Les gens sont méchants dans les commentaires http://goo.gl/fb/aXGv
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janvier 6th, 2010 at 00:40
Bouhou! Les gens sont méchants dans les commentaires. http://bit.ly/862UsG
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janvier 6th, 2010 at 13:26
Merci Patrick. Tu soulèves deux points importants. Le premier est la différence que l’on doit faire entre les débuts du Web et aujourd’hui. Aux débuts du Web, nous étions tous fascinés par la nouveauté qu’était la participation. Dans un commentaire sur mon blog, je prends comme exemple le cas cité par Michel Dumais dans l’article de Louise Leduc ainsi que le défunt forum pssst.qc.ca qui fonctionnait sans modération. Ces deux exemples ont montré les limites du laissez-faire total.
Je pense que tout le monde peut encore le faire dans son blog individuel ou collectif si ça les amuse. Mais quand on se considère comme un média (petit comme un blog ou grand comme un média de masse), le contenu que l’on présente devient très important. Ce que n’ont pas encore réalisé beaucoup de médias, c’est que les commentaires publiés font désormais partie de leur contenu. Ça change tout: ça change le contenu que l’on souhaite (on veut des commentaires qui contribuent au contenu) et le statut du commentateur (qui devient un collaborateur).
Tout cela se ramène au deuxième point important que tu soulèves: ça ne peut se faire qu’en énonçant très clairement des politiques éditoriales et qu’elles soient adoptées et prises en main par la communauté elle-même.
Zut alors, on n’en sort pas: un média sur le Web devient une affaire de communauté avec des membres. Va falloir que j’écrive un autre article. :-) Merci Patrick de faire si bien avancer cette conversation.
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février 17th, 2010 at 14:47
[…] Un des meilleurs billets écrit à ce sujet vient du blogue de Bruno Boutot. Avec beaucoup d’humour, il intitule son article “les gens sont méchants“. […]
mars 2nd, 2010 at 17:22
[…] Belle entrée de Bruno qui met le doigt sur un beau bobo dans le raisonnement des médias traditionnels vs les commentaires en ligne. […]
mars 13th, 2010 at 10:31
[…] refusent encore obstinément la création d’un lien social avec leurs usagers (le fameux problème de l’anonymat que j’ai abordé ici). Mais c’est là que ça commence: l’accueil d’individus à part entière avec […]
octobre 11th, 2012 at 11:38
[…] «Le problème avec les médias de masse, c’est qu’ils croient toujours s’adresser à la masse. Les journalistes écrivent donc à la masse et quand leur média arrive sur le Web et s’ouvre aux commentaires, ce sont bien entendu les commentaires de la masse. (…) Sur le Web, il n’y a plus de masse, il n’y a que des gens». Bruno Boutot sur son blogue. […]