bospointdeuxzero.ca: l’audace de Bos

octobre 23rd, 2008 by bruno boutot

J’ai eu récemment le privilège de participer à la réalisation de bospointdeuxzero.ca, un site participatif créé à l’occasion des 20 ans de l’agence de publicité Bos, de Montréal et Toronto.

L’objectif du site était double: d’une part célébrer publiquement cet anniversaire de la façon la plus avancée que permet le Web aujourd’hui, c’est à dire par la participation de tous; d’autre part servir de recherche pour un article sur les 20 ans de l’agence que m’avait commandé le magazine Infopresse.

L’aventure n’était pas évidente fin juin dernier quand Roger Gariépy a décidé de se lancer dans l’aventure: on sait qu’une communauté sur le Web met en moyenne un an à s’établir et deux ans à se stabiliser. Or nous avions juste 3 mois devant nous à cause de l’échéance du party des 20 ans le 2 octobre.

Éléments jouant en notre faveur:
– c’est une agence de publicité: tout le monde a un ordinateur sur son bureau, donc pas de « peur des machines »;
– c’est une agence de publicité reconnue depuis 20 ans pour sa créativité et la qualité de son travail: on avait l’embarras du choix parmi les tonnes d’images, de vidéos, de messages radios et d’articles disponibles dans les archives;
– les trois associés de l’agence, Michel Ostiguy, Roger Gariépy et Claude Carrier étaient enthousiastes à l’idée de tenter l’expérience.

Éléments contre nous:
– il ne s’agissait ni d’une communauté de pratique, ni d’une communauté d’intérêt, juste de l’évocation d’une histoire et d’un anniversaire;
– les pratiques du Web 2.0 sont peu répandues dans les médias et le marketing;
– il n’y avait aucune obligation ni aucune récompense en jeu pour les participants;
– on avait vraiment très peu de temps;
– à cause du court délai, on propulsait le site presque directement « public », donc sans période d’apprentissage cachée derrière les rideaux;
– toujours à cause du délai, on devait utiliser une solution off the shelf, c’est à dire pas tout à fait adaptée à nos besoins.

C’est la neuvième communauté que je contribue à concevoir au cours des 5 dernières années et je connais les craintes que les outils sociaux génèrent dans les entreprises. La tranquille assurance, la curiosité et l’audace des gens de Bos de sauter publiquement à pieds joints dans le territoire 2.0 m’a ravi tout au long de ces 3 mois. Ils ont vraiment mérité le jeu de mots bospointdeuxzéro.

Le site bospointdeuxzero.ca a aujourd’hui environ:
240+ pages personnelles de membres,
500+ photos,
170+ vidéos,
50+ discussions et histoires de pub dans les forums,
plus des messages radios et des commentaires répartis dans les galeries photos et vidéos. Et ce ne sont que des chiffres qui, comme on le sait, ne représentent pas la richesse que constituent toutes les histoires et les échanges qui sont la vraie valeur d’une communauté.

(ARGHHH! Non messieurs-dames, ce n’est pas un « microsite ».) :-)

Comme, encore une fois, le site est public, on a la chance de pouvoir s’y référer pour illustrer des points importants à propos de communauté, de média et journalisme, de marketing et enfin de l’outil utilisé (Ning). Je vais donc dans les jours qui viennent faire 4 articles pour partager les enseignements de cette expérience, et répondre à d’autres questions si vous en avez.

D’ici là, je remercie les gens de Bos pour leur enthousiasme et leur hospitalité, ainsi que les gens d’Infopresse pour m’avoir accueilli dans leurs pages. Je reviendrai dans les articles suivants sur les contributions exemplaires d’individus mais je veux souligner tout de suite le travail formidable d’Alexandrine Perras et Thomas Gobeil.

Je remercie aussi Sylvain Carle, Martin Lessard et Mitch Joel pour leurs conseils et leur complicité de résidents du Web.

Le Web 2.0 ne fait que commencer

octobre 15th, 2008 by bruno boutot

Quelle est cette agitation soudaine autour de la soit-disant fin du Web 2.0? Selon ma compréhension, le Web 2.0 commence à peine à être utilisé par les médias et les entreprises: les points d’interrogation commencent à s’agiter dans la tête de leurs dirigeants, la curiosité nait, des mandats d’exploration se planifient peu à peu. L’aube se pointe, la lumière apparait, mais le paysage baigne encore dans la pénombre du Web 1.0.

Aussi mes sourcils ont commencé à escalader mon front ces jours derniers quand mes estimés collègues se sont fait l’écho d’une « fin » du Web 2.0! Allo!?
Nous sommes tellement de gens interconnectés qu’on peut sûrement trouver des chaînes de citations prévoyant la fin du Web 2.0 depuis son premier énoncé par Tim O’Reilly en 2004, mais les échos récents me sont d’abord parvenus par Mario Asselin, le 12 octobre: « La période « web 2.0 » tirerait à sa fin« . Ohlala!

Le lendemain, Patrick Tanguay m’orientait vers un horizon moins catastrophique tracé par Scott Loganbill de monkey_bites mais toujours inquiétant: « La fin du Web 2.0, le début du Web Infinité« . Heureusement que je suis presque chauve parce que mes sourcils escaladaient encore mon front dégarni.

Le jour suivant, j’ai cru être sauvé par Philippe Martin qui montre les différentes perspectives du Web 2.0 selon les secteurs, mais l’incertitude règne encore: « Le web 2.0 est mort, vive le web 2.0! » Martin Lessard est venu à ma rescousse en renchérissant sur Philippe et en nous renvoyant à TechCrunch, (j’arrête de donner des liens parce que mes sourcils sont à la place habituelle de mon auréole), mais je trouve chez Martin la question qui m’intéresse: « De quel Web 2.0 parle-t-on?« .

Excellente question, parce que je réalise aussi que même Tim O’Reilly en donnait une définition confuse en 2005. À cette époque-là je travaillais avec Sylvain Carle, aujourd’hui CTO de Praized, sur un projet de communauté urbaine, et je suis arrivé un jour tout excité en lui disant qu’il fallait qu’on copyright l’expression « Web 2.0 is about people« . Avec son flegme habituel, Sylvain avait alors écrit la phrase dans Google et tourné vers moi l’écran de son portable.

Il n’y avait pas alors 1690 résultats comme aujourd’hui, mais certainement une centaine… Tant pis pour l’exclusivité mais pour moi, sur le fond, rien n’a changé dans cette définition claire, simple et limpide: « Web 2.0 is about people« .

Le Web 1.0 est le Web des sites de diffusion, des vitrines sur le Web, du broadcast, du one to many.
Le Web 2.0 est le Web des gens, celui où l’on interagit avec des vraies personnes que l’on identifie une à une, que l’on accueille, que l’on mémorise et que l’on respecte.

Le Web 1.0 est basé sur le message, le Web 2.0 est basé sur l’individu.
Le Web 1.0 est celui du produit, le Web 2.0 est celui de la relation.

Si votre site n’offre pas à ses visiteurs de devenir membres, d’avoir une page personnelle, de pouvoir accumuler publiquement la mémoire de leurs participations, vous êtes encore dans le Web 1.0.
Si vous ne montrez pas à vos membres que vous les appréciez, que vous les respectez et que leur participation est en sécurité entre vos mains, vous êtes encore dans le Web 1.0.
Et vous avez des possibilités de croissance extraordinaires dès que vous serez prêts à accueillir vos membres un à un dans votre Web 2.0.

Partout sur la planète Web s’ouvrent des sites qui acceuillent leurs membres à bras ouverts. Partout se développe le Web 2.0: ce n’est pas une mode, une période, un trendy gimmick, une tendance.

Le Web 2.0 est la base même de la révolution fondamentale qui ébranle tous nos médias et tout l’univers du marketing.

Les médias, le marketing savent émettre.
Ils commencent juste à apprendre à accueilir.

Le Web 2.0 ne fait que commencer.

Stéphane Lagrange parle de mes observations du Web

juin 1st, 2008 by bruno boutot

Dans son nouveau blog, Stéphane Lagrange rend compte d’une conversation que nous avons eue à propos de mes observations sur le Web. Ça tombe très bien, parce qu’il aborde le concept de Proximité, le sujet de ma prochaine conférence lors du 3e sommet sur les communications universitaires:

Proximity (i.e. “always available”) is another key concept to Bruno. Whereas in traditional media the distance between the ad and the store can be miles and/or days away, on the Web the distance has narrowed down to a mere hyperlink (i.e. URL). The call to action and the ability to take action are instantaneous, almost real time.

And this is exactly where most media companies miss the point. Too focused on page views and unique visitors to measure their online ad display revenue, media corporations miss the conversion to action stage.

To get your customer engaged enough to act upon an ad with the intent of following through, remains the biggest conversion whatever the media. And then, what happens?

Stéphane m’impressionne beaucoup: il y avait des tonnes de distractions pendant notre conversation mais il n’a rien manqué et il présente tout ce concept avec élégance et concision. Super.

Ça me fait réaliser que je ferais peut-être mieux de faire comme McLuhan: plutôt que de passer des mois (des années!) à écrire un livre, je devrais le raconter et réunir les notes de mes interlocuteurs. :-)

Faut-il parler au CRTC?

mai 27th, 2008 by bruno boutot

Le CRTC, l’organisme qui régule la radiodiffusion (incluant la télévision) et les télécommunications au Canada a lancé un « Avis de consultation« , c’est à dire qu’il demande l’avis de tous les individus ou organismes canadiens sur « la radiodiffusion et les nouveaux médias ». Comme promis dans mon article précédent, je tente ici d’élaguer le chemin pour voir si cela concerne les résidents du Web.

Martin Lessard fait ici un excellent résumé des chapitres précédents et des questions actuelles du CRTC. A priori, ça ressemble à du jargon spécialisé déconnecté du Web et qui ne concerne pas les gens du Web.

De plus, il y a quelques mois, quand le CRTC a fait mine de « règlementer Internet » (voir dans les liens de Martin ci-dessus) je me suis inscrit sur facebook au groupe qui s’opposait à toute initiative du CRTC dans cette direction.

Aujourd’hui, j’essaye simplement d’éclaircir deux points de base:
1- est-ce que le CRTC peut avoir une influence sur l’univers du Web?
et, si oui
2- y a-t-il des domaines où le CRTC pourrait être utile – ou néfaste – aux résidents du Web?

1- Est-ce que le CRTC peut avoir une influence sur l’univers du Web?

Apparemment, oui. À partir de la Loi sur la radiodiffusion et la Loi sur les télécommunications, le CRTC a juridiction sur tout ce qui se transmet de façon électronique sur tout support.

2- Y a-t-il des domaines où le CRTC pourrait être utile – ou néfaste – aux résidents du Web?

Les mots-clés du rôle du CRTC semblent s’articuler autour de la souveraineté canadienne, de la création et de la diffusion de la culture canadienne, de l’accès des citoyens Canadiens à la culture canadienne et de l’utilisation maximale des créateurs canadiens et des entreprises de services canadiennes.

Le CRTC ne semble pas encore le savoir, mais les résidents du Web sont par définition des créateurs canadiens, des communicateurs canadiens, des citoyens canadiens, des diffuseurs canadiens et beaucoup d’entre nous ont (ou travaillent pour) une entreprise canadienne de services.

Le CRTC est donc un organisme dédié à la défense des intérêts des résidents du Web

En ce sens les sujets ne manquent pas. J’ai trouvé quelques références pour des sujets évoqués au Webcamp, mais la liste pourrait facilement s’allonger:

– La neutralité des réseaux.

– Le contrôle des données personnelles.

– La protection des consommateurs et des entreprises canadiennes contre les lobbies de grandes entreprises étrangères qui semblent contrôler l’agenda législatif canadien et la fourniture de services à des gouvernements.

– La protection des consommateurs et des entreprises canadiennes contre les tarifs abusifs des telcos au Canada et le déficit grandissant de bande passante.

Donc la réponse semble être: oui, il faudrait parler au CRTC, faute de quoi les lobbies habituels américains ou canadiens vont parler plus fort.

Il est possible de se manifester sur un site mis en place par le CRTC. C’est une initiative fort louable, mais où chacun n’a que le poids d’un individu. Peut-être serait-il opportun de voir si on pourrait détailler la liste des souhaits des résidents du Web et utiliser nos réseaux pour la présenter en force au CRTC?

Suite du Webcamp 2 à Webcom

mai 23rd, 2008 by bruno boutot

J’ai eu le privilège d’être invité par Sylvain Carle à participer au Webcamp 2 lors du dernier Webcom à Montréal.

Je dois d’abord remercier les organisateurs du Webcom, Michel Chioini et Claude Malaison, pour leur accueil, la salle et le repas qu’ils nous ont offerts, ainsi que tous les participants et les visiteurs. Il en est bien sûr sorti d’excellents contacts et quelques merveilles. De biens meilleures blogueuses et blogueurs que moi en ont rendu compte et vous y trouverez toutes les informations et tous les liens:

Yannick B. Gélinas
Mario Asselin
Michael Boyle
Philippe Martin
Sacha Declomesnil

Enfin le compte-rendu de Yannick qui termine en mentionnant le « bref (mais néanmoins rafraîchissant) passage d’Isabelle Lopez« . Isabelle était blogueuse de Webcom et était passée en coup de vent au Webcamp en fin de matinée. Elle avait cependant trouvé le moyen de nous laisser un message du genre « C’est pas tout de discuter, mais qu’est-ce qu’on fait maintenant? ».

Depuis la fin du Webcamp, deux sujets évoqués par les participants me sont restés en tête comme « chantiers possibles »:

– Le CRTC a lancé un avis de consultation sur sa présence sur Internet: serait-ce une bonne idée de soumettre une wish-list de geeks ou plutôt: « une liste de souhaits des résidents du Web »?

– Alors que nous correspondons tous les jours en ligne, qu’ y a-t-il de si spécial à se rencontrer DLVV (dans la vraie vie) :-) comme au Webcamp? Est-ce que les avantages spécifiques de la présence ont été répertoriés quelque part ou sinon, est-ce qu’on pourrait les recenser pour en faire un meilleur usage?

J’ai eu l’occasion d’en parler depuis dans un bistro avec Martin Lessard et Jon Husband qui m’ont encouragé à poursuivre. Ce seront donc les sujets de mes deux prochains articles et vos suggestions et propositions sont bienvenues.

Une communauté pour chaque média

mai 22nd, 2008 by bruno boutot

Dans un article de nytimes.com sur la concurrence que font les annonces gratuites de Craigslist aux annonces classées des quotidiens, un éditeur annonce l’omniprésence prochaine des communautés:

Clayton Frink is the publisher of The Capital Times in Madison, Wis., where Craigslist arrived in 2005. The newspaper late last month stopped printing daily, adopting a Web strategy and printing weekly.

“Building communities is going to be critical for any online product, whether a newspaper or not.”

« La création de communautés va devenir indispensable pour tout produit sur le web, que ce soit ou non un quotidien. »

Pourquoi « indispensable »? Parce que ce qu’on appelle « communauté », faute d’un nom plus précis, recouvre simplement l’interface d’échange et de participation entre un site et son public. Pas n’importe quelle interface, bien sûr, sinon on dirait simplement « site avec commentaires » ou « forum » ou tout autre mot qui ne couvre pas l’engagement dans une relation que représente une communauté.

Tout média ou tout produit qui veut générer une interface de fidélisation à long terme autour de son site a besoin de quelques éléments clés pour devenir une « communauté »:

– un engagement à long terme: les gens ne participent pas ou peu s’ils savent que leur contribution est jetable;

– une page personnelle pour chaque membre, à partir de laquelle on peut retrouver toutes ses contribution: la fidélisation, comme la réputation, sont basées sur la mémoire;

– une raison d’être claire; n’importe qui peut lire le contenu d’une communauté, mais les membres participent parce qu’ils font quelque chose qu’ils aiment avec d’autres gens qui aiment le même sujet;

– des règles (ou lignes directrices) claires qui définissent les sujets, les hors-sujets et les balises de comportement, avec un système d’alerte des modérateurs pour que les membre aident à maintenir les objectifs, l’ambiance et la civilité;

– des interactions personnelles: sur le web, les entités n’existent pas, il n’y a que des gens; les auteurs, modérateurs et administrateurs doivent être nommés, reconnaissables, identifiables par leur page personnelle et rejoignables par courriel.

Le travail des modérateurs

avril 29th, 2008 by bruno boutot

On me demande souvent de décrire le travail des modérateurs dans une communauté. Justement un membre de MetaFilter a posé la question aux modérateurs de MetaFilter. Le résultat est une pièce d’anthologie: des témoignages directs, détaillés et francs sur le travail des modérateurs d’une importante communauté qui est un modèle d’animation et de modération.

Vous pouvez bien sûr lire tous les échanges qui ont suivi, mais j’ai gardé ici les principaux extraits de leurs réponses.
Note 1: Traduction rapide; merci de me signaler les maladresses.
Note 2: Les propos appartiennent à leurs auteurs. Ils sont reproduits ici avec permission.

mathowie est Matthew Haughey, créateur de MetaFilter (ou Mefi).
jessamyn est Jessamyn West, modérateur de MetaFilter depuis 2005, en particulier responsable de Ask MetaFilter (ou Askme) la section du site où les membres peuvent poser toutes sortes de questions.
cortex est Josh Millard, modérateur à temps partiel de MetaFilter depuis 2007.
pb est Paul Bausch, dévelopeur Web à temps partiel pour MetaFilter.
MetaTalk, ou MeTa, est la section de MetaFilter où les membres et les modérateurs parlent de sujets concernant le site.
MeMail est une abréviation de MetaFilter Mail, un service de messagerie interne pour les membres.
« Spammeur » signifie dans ce contexte les gens qui s’inscrivent comme membres pour tenter de poster sur le site des messages publicitaires camouflés (« spam »).

mathowie:
Je surveille le site tout le temps du matin au soir. Je passe sans doute la moitié de mon temps a faire du travail d’admin/mod comme vérifier s’il y a du spam dans les nouveaux articles, envoyer un courriel aux gens qui ont oublié leur nom d’usager, m’occuper de la pile d’alertes, etc.

Une « alerte » est la façon dont les membres signalent aux modérateurs qu’il y a un problème ou qu’une règle a été enfreinte. C’est l’outil essentiel de modération des communautés. La « pile d’alertes » ou « file d’alertes » est la liste des alertes en attente de traitement dans le tableau de bord des modérateurs.

cortex:
J’ai entendu Matt et Jess dire que l’avantage de ce travail est qu’on y consacre seulement 10 à 15 minutes par heure, mais qu’il faut le faire à toute heure du matin au soir. C’est une description assez fidèle.

En fait, c’est très variable. Certains jours, je surveille le site une fois par heure ou par demi-heure et il n’y a aucun problème — pas d’alertes, metatalk est tranquille, presque pas de courriel. D’autres jours tout craque à la fois et on finit par supprimer des fils de discussion, nettoyer toutes sortes de désastres dans metafilter et askme, répondre à des plaintes ou à des questions qui nous arrivent par le formulaire de contact et expliquer les décisions des admins. Il n’y a pas vraiment de « jour ordinaire » et la plupart de mon temps est occupé par toutes sortes d’interventions changeantes.

cortex:
La chasse aux spammeurs a tendance à se dérouler en brèves et fatiguantes pétarades: selon le degré d’astuce des spammeurs, on peut passer de 10 à 20 minutes à fouiller pour établir des liens entre l’auteur et son sujet, puis on efface et on bannit (ou parfois, si tout semble correct malgré les soupçons, on passe à autre chose tout en gardant un œil sur le suspect).

En général, ça ne prend pas beaucoup de temps pour s’occuper de la file d’alertes d’askme; sauf dans le cas d’une question désastreuse (ce qui n’est pas rare, mais pas 10 par jour), le nettoyage se fait rapidement. Il faut cependant qu’on surveille souvent et, durant les semaines chargées, quand tout le monde et son père fout le bordel dans askme, ça peut être vraiment pénible de garder le contrôle mais en gros c’est plutôt des problèmes circonscrits: on l’arrange, c’est fait et ça s’arrête là. À moins que quelqu’un poste une discussion dans…

…MetaTalk. Et la discussion continue, et il faut intervenir de façon plus directe que la plupart de nos interventions, en plus c’est très visible, donc ça demande plus d’attention soutenue et ça demande plus de patience pour négocier avec des gens qui sont plus ou moins ouvertement hostiles — envers nous, envers d’autres membres, etc. — de telle sorte qu’on y dépense beaucoup plus d’énergie et de patience diplomatique que pour les petits problèmes discrets qu’on règle en arrière scène. Même les courriels, où les protestataires se sentent parfois plus libres dans leurs insultes et leurs affirmations que lors d’une colère dans metatalk, sont d’une certaine façon moins difficiles et moins stressant parce que ça se passe juste entre nous et l’auteur du courriel, pas devant un public.

Donc… ouais. J’adore ça, je crois que c’est une part importante du bon fonctionnement de MetaFilter, mais je suis assez d’accord avec Jessamyn que MetaTalk est aussi (ne serait-ce que par nécessité) ce qui nous pompe le plus de temps et d’énergie dans une semaine chargée.

jessamyn:
Ces discussions interminables qui arrivent dans MetaTalk? On lit chaque commentaire. Quand on arrive au 800e commentaire et que quelqu’un dit: « Hé, les modérateurs, qu’est-ce que vous pensez de CE cas-limite? », en général on répond. Askme est d’habitude rapide et constant, exactement comme l’a dit cortex, et la plupart du reste est une question de vigilance, garder l’œil alentour sur ce qui a l’air douteux, faire des recherches quand quelqu’un semble faire un lien vers son propre produit, prévenir les autres mods quand quelque chose a l’air bizarre. On fait aussi beaucoup de banales corrections de lien/article/orthographe et d’échanges de courriel/MeMail avec des membres sur des sujets variés, pour ne rien dire ou juste pour interagir avec le site comme des bonnes gens ordinaires, dans la mesure où on peut le faire. Les gens me contactent par courriel, MeMail, chat, facebook, téléphone (rarement) et le bon vieux face à face. Nous n’avons pas de formulaire donc tout est de la vraie communication.

Les bizarreries qui nous coutent le plus de temps arrivent parfois quand des gens nous envoient un courriel du genre « Hé, pouvez-vous effacer mon commentaire dans la discussion sur le tigre? J’ai changé d’avis ». ou quelque chose du genre alors il faut chercher son nom d’usager à partir de son adresse de courriel, trouver de quel *&!*! de fil de discussion il s’agit, puis trouver leur commentaire et l’effacer s’il est encore temps de le faire. Pas très compliqué mais si on multiplie ça par quatre ou cinq dans une journée chargée, c’est 20 minutes vite envolées.

Je sais que je prends beaucoup de responsabilité pour AskMe, donc j’essaye au moins de lire toutes les questions, et aussi les commentaires dans tout fil qui a beaucoup d’activité ou beaucoup d’alertes. Je poste aussi beaucoup de mentions dans la colonne latérale, je garde mes favoris pour le podcast et j’écoute toutes les musiques soumises dans la section Music. Le podcast lui-même est un gros travail, une heure ou deux d’enregistrement puis mathowie passe pas mal de temps à faire du montage et de la finition. Je m’assure que le faq est à jour. On teste tous les nouvelles idées d’amélioration du site (en général), on envoie les bogues à pb pour qu’il les résolve et on y consacre beaucoup d’aller-retours, comme trouver pourquoi des gens tombent encore sur le message « massage » de MeFi bien après que le site soit de retour en ligne, ou déboguer les problèmes pour télécharger les images.

On passe tous aussi beaucoup de temps à se tenir au courant entre nous de ce qu’on a fait. On peut à peu près retrouver les traces de ce qu’a fait un autre admin mais si on a besoin de communiquer on a un courriel de service pour se dire qui va être hors-ligne à quel moment (en plus des périodes normales hors-ligne) et ce qui doit être surveillé si on passe le relais à quelqu’un. Je ne sais pas si je devrais dire qu’on y consacre « énormément » de temps parce qu’en général, à quelques exceptions près, on peut le faire en même temps que d’autres activités intéressantes, et je pense qu’on qualifie d' »énorme » tout ce qui nous empêche de faire ce qu’on aimerait faire. Et j’aime faire tout ça.

jessamyn:
Il y a un moment que j’ai envie de mentionner quelque chose et autant le faire maintenant. Parce que je travaille ici, avec mes horaires incongrus et flexibles, et ce formidable groupe de nerds brillants et étincelants (et vous zaussi les zautres), ça me laisse aussi le temps de faire d’autres choses comme aider les petites bibliothèques du centre du Vermont à résoudre leurs problèmes informatiques, enseigner l’usage du courriel à des gens âgés, et voyager à travers le monde pour expliquer aux bibliothécaires pourquoi elles ne devraient pas avoir peur des ordinateurs. Tout cela serait littéralement impossible si j’avais un travail « normal » et de toutes façons je n’en aurais pas les moyens.

En plus, je pense que AskMe est une des meilleures démonstrations de la pertinence des sites qui reposent sur l’accueil des connaissances collectives et que c’est un formidable exemple vivant et vibrant de la possibilité d’étendre la notion du « rôle d’une bibliothèque publique » à « ce que les gens peuvent accomplir ensemble si on leur procure un minimum de structure, d’assistance et de communauté » et je suis donc pas mal contente presque tous les matins au réveil. Je souhaite à tout le monde d’avoir autant de chance. Matt a vraiment pris tous les risques et a franchi d’interminables embûches pour faire décoller le site — dans un panel lors du récent ROFLcon, quelqu’un lui a demandé au bout de combien de temps le site était devenu rentable et il a dit « heu, six ans » et tout le monde a ri comme des fous parce que ce n’est pas vraiment un modèle d’affaires — et cortex et moi-même nous nous sentons formidablement enrichis (et parfois épuisés) de pouvoir y contribuer et, avec pb, de pouvoir participer au développement du site.

La communauté des lecteurs devrait faire la moitié du contenu

avril 22nd, 2008 by bruno boutot

Les médias sont en position stratégique avantageuse pour accueillir les communautés de leurs usagers mais la plupart ne semblent pas en voir l’utilité.

Jeff Jarvis parle aujourd’hui de la stratégie d’encerclement de Rupert Murdoch (News Corp) autour du New-York Times. Indépendamment de la situation, le diagnostic de Jarvis peut s’appliquer aujourd’hui à tout média:

I think the Times has to decide on radical reinvention, a new architecture. You can guess my starting points: a networked structure, a distributed strategy, a community plan.

Je pense que le Times doit se décider à se réinventer complètement selon une nouvelle architecture. Vous devinez mes points de départ: une structure en réseau, une stratégie distribuée, un plan de communauté.

Jarvis rapelle qu’il a fait des suggestions au NYT le mois dernier et a repris des propos de Fred Wilson. En voici des extraits:

The Times should create and sell quality collaborative networks and expand the brand around its value: reporting. (…) And it has to become the product of collaboration with networks and independent professionals and its audience. I agree with Fred Wilson here: “I’d make the NY Times all about their audience. Let the people who read the paper have a much larger role in the content that gets published, both online and offline. The best thing about the NY Times is their readers. The only way they can fix their problems is by leveraging them as the other half of their newsroom.”

Le Times devrait créer et vendre des réseaux de collaboration de qualité et développer sa marque autour de sa valeur: le reportage. (…) Il doit devenir le produit de la collaboration avec des réseaux, des professionnels indépendants et ses lecteurs.

Ici, je suis d’accord avec Fred Wilson: « Je ferais de ses lecteurs le propos du NY Times. Il faut permettre aux gens qui lisent le journal d’avoir un rôle beaucoup plus important dans le contenu qui est publié, en ligne et hors ligne. La meilleure part du NY Times, c’est ses lecteurs. La seule façon qu’a le journal de régler ses problèmes et d’utiliser la force que sont ses lecteurs et d’en faire la deuxième moité de leur salle de nouvelles. »

Malgré ces relents d’apocalypse, l’objectif n’est pas si difficile: rappelons que MetaFilter, qui génère 9,9 millions de pages vues par mois, n’est géré que par 4 personnes. En fait, par rapport aux enjeux énormes, les coûts d’une communauté sont minimes. C’est le saut culturel qui semble paralyser nos médias.

(J’ai cherché l’article où Sylvain Carle s’exclame « C’est culturel! » Merci de m’aiguiller si vous le trouvez.)

Les vraies communautés existent déjà

mars 26th, 2008 by bruno boutot

La grande course aux communautés a commencé.
On dit « Fais moi une communauté » comme on dirait « Dessine moi un mouton » ou « Fais moi un pot-au-feu ».

Mais une communauté n’est pas un objet extérieur qu’on peut fabriquer en dehors de gens, puis leur offrir comme un média ou une barre de chocolat.

Les communautés ne sont pas des choses, ce sont des gens qui existent, qui ont une vie, et qui appartiennent déjà à plein de communautés de travail, de jeu, de plaisir, de passion.

On ne crée pas de communauté sur le Web: on y accueille des communautés qui existent déjà mais qui n’ont pas encore de lieu sur Internet. On leur offre la magie de la mémoire et de l’asynchronisme. Ils font le reste.

Brian Oberkirch le rappelle dans LikeItMatters:

Serve communities, don’t build them.
Ne fabriquez pas de communautés, mettez-vous à leur service

Find existing groups and add value to what they are trying to do. Participate. Host, if you must, but I bet groups are already helping themselves.
Trouvez des groupes existant et donnez une valeur ajoutée à ce qu’ils essayent de faire. Participez. Hébergez-les s’il le faut, mais je parierais que ces groupes s’en occupent déjà.

C’est peut-être une surprise pour tous ceux qui « veulent une communauté », mais c’est aussi une merveille: toutes ces communautés qui existent autour de nous et qui vont nous aimer quand on va les aider, les accueillir, leur offrir les outils pour s’accomplir et se développer! Que d’opportunités!

Seules les communautés vont survivre

mars 10th, 2008 by bruno boutot

Un des plus brillants analystes des médias contemporains, Mark Pesce, vient de publier That Business Conversation, texte de sa dernière conférence.

Il y montre, exemples à l’appui, qu’aucune entreprise ne peut plus faire abstraction de l’interaction directe avec le public. Sa conclusion devrait figurer sur l’écran de tous les dirigeants d’entreprises.

The balance of power has shifted decisively into the hands of the networked public.
La balance du pouvoir est désormais passée dans les mains du public connecté aux réseaux.

… unless you embrace conversation as the essential business practice of the 21st century, you will find someone else, more flexible and more open, stealing your business away.
… si la conversation ne devient pas votre modèle d’affaires prioritaire pour ce 21e siècle, il va toujours y avoir quelqu’un de plus souple et de plus ouvert pour vous voler votre clientèle.